On ne compte plus les articles pour encenser ces jeunes entrepreneurs qui vont révolutionner le monde. Allez, je ne peux m’empêcher de vous partager le titre de l’article qui m’a donné envie de faire cet article : « Les étudiants entrepreneurs sont à la fois hyper-motivés et hyper-flexibles ». Quand j’ai lu ce titre, j’ai eu envie de pleurer.

POURQUOI

J’ai eu l’occasion de travailler sur un projet pendant 4 ans en tant qu’entrepreneur (et étudiant-entrepreneur). À la sortie de mon Master, j’ai eu la possibilité de pouvoir concrétiser l’une des idées que j’avais eu pendant mon cursus universitaire. Je ne connaissais même pas encore les mots d’incubateur, accélérateurs, etc… Ce que je savais, c’est que pour avoir travaillé dans une entreprise en CDI et plusieurs fois en stage, il y avait quelque chose que je voulais fuir : le monde de l’entreprise. J’avais trop souffert des décisions où mon avis n’était pas pris en compte alors que c’était mon domaine d’expertise. Autant en sortie de licence, j’avais encore beaucoup à apprendre et j’ai beaucoup appris pendant mon CDI, autant lors de mon stage en sortie de Master, j’ai eu le sentiment de n’avoir pas été entendu et écouté.

Dans un tel contexte, il est normal que si j’avais la possibilité de continuer mon propre projet, j’allais sauter sur l’occasion. Et ce fût le cas, j’ai eu la possibilité de continuer mon projet grâce à un concours organisé par IDEFI-Créatic et Paris&Co.

Septembre 2014, je découvre ce monde. Les mots incubateurs, Business Angels, Pitch(©), Business Model, BP (Business Plan), KPI, BPI, Proof of Concept… rentrent petit à petit dans mon vocabulaire. Je découvre un monde où tout le monde est sympa avec tout le monde. Enfin… c’est ce qu’on voit à la TV. Et en vrai, alors, oui mais. Oui, mais. Car il y a toujours un mais quand on voit quelque chose à la TV. Ce mais, c’est : ce n’est pas un monde de bisounours. Clairement pas celui que l’on vous montre. Il y a la façade : belle, incroyable. Et il y a l’arrière de scène, dirigée par l’argent, par les opportunistes et les requins.

Mais ça, j’ai mis du temps à le comprendre.

Beaucoup de temps. Beaucoup trop. Autant je ne remercierais jamais assez les gens qui nous ont beaucoup aidé (IDEFI-Créatic, Paris&Co, le Pépite PON, le SchooLab, le Comptoir de l’Innovation, ma famille, ma chérie et mes amis), autant mon expérience a été totalement gâché par l’attitude de certain-e-s fondateurs d’entreprises qui, même dans l’ESS (Economie Sociale et Solidaire), nous ont mis des vrais bâtons dans les roues (pour ne pas dire « Nous ont fait des vrais coups de p*tes ! »). Oui, même le monde qui devrait être le plus « Bisounours » est gâché par des requins. Et quand on voit ces requins réussir, ça fait mal mais il paraît que « C’est le jeu, ma pauvre Lucette ». On a envie de crier « Non, c’est pas normal ! Ces gens se permettent ces choses-là et personne n’en saura jamais rien ! ».

Puis vient le moment où, accaparé par ton projet, par tout ce qui arrive, tu n’écoutes plus ce que tes proches essayent de te dire, tu ne penses plus qu’à ton projet « Comment je vais faire ça ? Combien ? Parce que ? Et si ? Vite ! Accélère ! Plus vite ! Demain ? Maintenant ? ». Oui, parce qu’évidemment, tout doit aller vite, tout doit sortir vite. La vitesse, toujours la vitesse. Même si c’est mal fait. Faut que ça sorte. Tout. Tout de suite. Parce que votre voisin, lui, il n’attend pas. Il fait ses 35h en deux jours (oui, oui, je ne compte même plus le nombre de fois que j’ai entendu ça…). Et puis tout le monde va vous copier. Et puis, lui, là, il a plein de pognon, il peut aussi le faire. En 2 jours. Alors ? On a ça pour demain ? Pour moitié du prix du coup parce qu’on est sympa. Plus il y a d’enjeux, moins il y a de bienveillance. Tu veux réussir ? Deviens un requin. Comme les autres. Ce n’est pas dans tes quoi ? valeurs ? Ah. Prépare-toi à crever alors. La bouche ouverte. Et dis merci. Et souris. On est sympa.

NON . STOP . IL FAUT ARRÊTER CE CARNAGE !

Mars 2017, le couperet tombe : Je n’en peux plus. Ma fiancée non plus. Il faut arrêter, se poser, prendre de la distance sur ce monde où j’étais embourbé (et je n’en voyais aucune sortie). Les questions importantes qu’il fallait que je me pose et que je n’avais plus pris le temps de me poser « Suis-je heureux ? Suis-je heureux de travailler sur ce projet ? Qu’est-ce-que j’aime dans la vie ? Qu’est-ce-qui est important pour moi ? ».

L’un des premiers exercices que je me suis imposé, c’est de classer ces valeurs par ordre de priorité : Argent, Famille, Amour, Travail, Amis. Pour ma part, ça a donné « Amour, Famille, Amis, Travail, Argent ». Il est clair que quand vous êtes dans cet ordre-là des choses, l’entreprenariat n’est vraiment pas recommandé. Car c’est mettre beaucoup de choses au second plan. Sans que vous vous en rendiez compte.

Pendant ce moment de pause dans ma vie, j’ai pu enfin réfléchir à qui j’étais, à ma vie actuelle et celle que je voulais vraiment. Une remise en cause totale.
Et il faut écouter le corps. Car oui, mon corps m’a envoyé des signes pendant ces 4 ans. Et je l’ai payé mentalement et physiquement. Et je l’ai encore payé récemment.

Cette accélération est dangereuse. Prenez le temps. Ralentissez. Il faut réapprendre à attendre. Rien n’est urgent. Rien n’est si important (sauf l’urgence écologique, mais c’est un autre débat). On vous a fait croire que ça l’était.

Dans ce temps qui s’est redécouvert à moi, j’ai enfin pu écouter. J’ai enfin pu m’écouter aussi.

Aujourd’hui, ce que je sais, c’est que j’aime apprendre et transmettre mes connaissances. J’aime l’Allemagne. J’aime ma fiancée, ma famille et mes ami-e-s. Et je veux un travail où je suis heureux d’aller le matin, qui a un sens et où j’ai autant à donner qu’à apprendre. Si vous avez de quoi sous la main, je suis preneur.

Arrêtez-vous, prenez le temps, respirez, vivez.